Un outil pour mieux réussir en bourse : connaitre les biais comportementaux–Partie 1 Biais émotionnels

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Les biais comportementaux

Quels sont les biais comportementaux qui peuvent perturber les performances en trading ?

Après avoir réalisé deux investissements gagnants, je décide de me positionner une troisième fois sur le même titre. Malheureusement, cette position fût la décision de trop. L’ensemble des gains obtenus lors de deux précédentes opérations fût liquidé. Contrairement à ce que j’avais prédit et ce qui s’était réalisé auparavant, le titre s’est mis à baisser et tardivement j’ai dû me résoudre à clôturer ma position avec une perte plus importante que le gain obtenu. L’excès de confiance et l’aversion aux pertes m’avaient amené à prendre une mauvaise décision. Si j’avais pris froidement en compte l’ensemble des éléments à ce moment j’aurais pu constater qu’il n’était pas pertinent de prendre une nouvelle position.

L’excès de confiance après une série de gains et l’aversion aux pertes constituent deux des travers comportementaux qui influencent le trader lors de l’analyse de l’information et la prise de décision. Les nombreux travaux de la finance comportementale ont permis de mettre en évidence les biais et les travers qui peuvent influencer l’investisseur.

Nos croyances, nos convictions et nos émotions de nous amènent souvent à effectuer des choix boursiers erronés et préjudiciables pour notre portefeuille. L’investisseur n’est pas un être dénué de sentiments. Il n’existe donc pas de décision d’investissement purement rationnelle, des inefficiences se produisent régulièrement.

La connaissance des principaux biais comportementaux permet de prendre conscience des erreurs de jugements ou des facteurs émotionnels qui interfèrent lorsqu’on agit sur les marchés financiers. La connaissance de ces biais peut aider à opérer de manière plus pertinente et plus performante.

Quels sont les biais comportementaux identifiés par la finance comportementale ?

Selon Le Ny JF, Dictionnaire de la psychologie, (1991) « Un biais est une distorsion (déviation systématique par rapport à une norme) que subit une information en entrant dans le système cognitif ou en sortant. Dans le premier cas, le sujet opère une sélection des informations, dans le second, il réalise une sélection des réponses. »

Les biais comportementaux sont des erreurs de jugements permanents. Ils sont présents dans le processus de collecte, de traitement de l’information et de prise de décision. Ils amènent l’investisseur à effectuer des choix qui ne sont pas pertinents car ils ne prennent en compte qu’une partie des informations disponibles.

Il est possible de distinguer : les biais affectifs ou émotionnels, les biais cognitifs et les biais sociaux.

Dans cet article, je vais commencer par passer en revue les biais émotionnels.

Qu’est-ce qu’un biais émotionnel ?

Le biais émotionnel souligne le rôle des affects et des émotions dans les choix d’un investisseur. Ce dernier émet des jugements et prend des décisions à partir d’images mentales associées à des sentiments positifs ou négatifs.

D’une manière générale et schématique, le cerveau humain se décompose en une partie émotionnelle et une partie rationnelle. La partie émotionnelle est la première à s’activer en fonction des sensations immédiatement perçues. Cette partie du cerveau se fonde sur des associations d’idées. Elle privilégie l’intuition et implique faiblement la dimension cognitive. Malheureusement la réaction rapide et instinctive peut conduire à faire des choix irrationnels.

Les biais comportementaux sont principalement le résultat du cerveau émotionnel. Les processus de décision basés sur l’intuition sont caractérisés par de faibles niveaux de contrôle cognitif, une fiable conscience, des traitements de l’information rapides et un manque de principes d’organisation. Aussi, en acquérant une meilleure compréhension de ces biais, il est possible progressivement d’adopter une attitude plus réfléchie et privilégier le cerveau rationnel pour corriger les erreurs intuitives des biais.

Les humeurs qui sont des états émotionnels influencent les décisions de l’investisseur.

Plusieurs travaux de chercheurs en finance comportementale ont mis en évidence des liens entre les conditions météorologiques, les périodes (lundi, veille de week end) et les performances des marchés financiers.

Les jours d’ensoleillement les traders auraient davantage tendance à acheter des titres. (D. Hirshleifer and T. Shumway, 2003).

La rentabilité des actions serait plus faible le lundi matin que les autres jours de la semaine. (Gibbons & Hess, 1981).

De même, plusieurs études ont montré que les rendements sont supérieurs de novembre à avril sur les marchés financiers de nombreux pays développés et émergents. (B. Jacobsen et C.Zhang). Cet effet serait lié au fait que les volumes d’échanges déclinent significativement durant les mois d’été de mai à aout . ( M. Kaustia, E. Rantapuska, 2014).

Le biais d’optimisme :

Le biais d’optimisme est considéré comme un des biais fortement présent dans les situations où les individus doivent évaluer des perspectives. Dans la vie courante, l’exemple classique du biais d’optimisme est celui de la majorité des conducteurs qui se déclarent spontanément comme des conducteurs plus prudents que la moyenne (Svenson, 1980).

Sur les marchés financiers, D. Kahneman sera le premier a utilisé ce concept. Le biais d’optimisme pousse l’investisseur à surestimer la probabilité de gains et à sous-estimer la probabilité de pertes. Ce biais peut être préjudiciable car il pousse l’investisseur à estimer de manière irréaliste les issues futures liées à ses décisions. Par ailleurs, cela l’amène à consacrer plus de temps à réfléchir aux gains qu’aux pertes.

Ce biais comportemental a une importance dans l’explication des phénomènes de bulle. Les investisseurs sont prêts à acheter un titre à un prix supérieur à sa valeur fondamentale car ils anticipent la possibilité de le revendre à des investisseurs encore plus optimistes qu’eux. Ce biais provoque la surestimation des rendements des titres et la probabilité d’évènements qui leurs sont favorables.

L’excès de confiance :

L’excès de confiance ou encore la sur-confiance est un biais affectif qui a fait l’objet de nombreux travaux de recherches. Selon De Bondt W et Thaler R, (« Financial Decision-making in Markets and Firms: a Behavioral Perspective »), ce serait le biais le plus prégnant sur les marchés financiers. C’est un trait de comportement fréquent en finance, qui concerne à la fois les investisseurs particuliers et professionnels.

L’excès de confiance traduit le fait que les individus ont tendance à surestimer les probabilités de survenance d’évènements, ainsi que leurs capacités et la précision de leurs connaissances.

L’excès de confiance se distingue du biais d’optimisme. Chez le trader, Il correspond à une surestimation des évènements futurs et de ses aptitudes personnelles. Alors que le biais d’optimisme est la traduction d’une surestimation pour les évènements futurs mais sans lien avec les aptitudes personnelles. Le trader sur confiant sur évalue ses propres compétences.

Le biais d’excès de confiance se développe plus fortement dans les situations marquées par l’incertitude. Kahneman D et Tversky A (1979)( « Prospect theory: An analysis of Decision under Risk »), montrent que lorsque l’incertitude est élevée, les individus ont tendance à construire des scénarios excessivement confiants sur leur probabilité de succès.

Le trader sur confiant accorde un poids plus grand à son intuition et aux informations qu’il a lui-même collectées. Il croit connaître le marché et être capable d’anticiper les fluctuations de ce dernier. L’intuition prédomine et l’information est partielle. L’investisseur sur confiant n’utilise que quelques signaux personnels pour fonder ses décisions et prendre ses positions. Il surestime les informations qui confortent ses décisions. A l’inverse, il va avoir tendance à occulter les informations qui ne lui sont pas favorables.

L’excès de confiance peut être une source de déconvenues, notamment lorsque le trader pense avoir découvert une opportunité en bourse ou lorsqu’il a réalisé une bonne performance. Il augmente ses risques et prend des positions plus importantes sous estimant les probabilités de pertes et sur estimant les chances de gains. Il entreprend ses actions risquées sans pour autant disposer des éléments pour évaluer objectivement l’ampleur réelle et concrète du risque. Ce qui peut engendrer des pertes importantes.

Mangot M, (« Psychologie de l’investisseur et des marchés financiers »). a montré que l’investisseur sur confiant fait preuve de suractivité. En d’autres termes, il effectue un grand nombre d’opérations sur les marchés achetant et vendant des titres de manière fréquente. Cette suractivité génère des frais de transaction supérieurs au gain procuré par une gestion moins active. Par ailleurs, il privilégie quelques titres ce qui entraîne un manque de diversification dans ces choix.

Le biais d’auto attribution :

Très souvent l’excès de confiance entraîne un autre biais qui est le biais d’auto attribution. Par ce biais l’investisseur tend à expliquer ses réussites et les gains obtenus par sa compétence et son savoir faire alors que les pertes sont attribuées à la malchance ou aux aléas du marché.

Ce biais d’auto-attribution peut alors entraîner une sur-confiance chez l’investisseur et le conduire à s’engager dans des échanges plus fréquents et, en particulier, à choisir des investissements plus spéculatifs.

Ce biais comme l’excès de confiance est plus marqué chez l’homme que chez la femme.

L’aversion aux pertes :

Alors que l’excès de confiance insiste sur les possibilités de gains, l’aversion aux pertes met la lumière sur le risque de perte. Ce concept a été étudié par Kahneman et tversky . Ces auteurs, au travers de leur théorie de la perspective ont démontré qu’une perte est perçue de manière bien plus douloureuse qu’un gain du même ordre par l’investisseur. En pratique, la perte de 100 euros va susciter chez le trader deux fois plus d’émotions que s’il en gagne 100.

La perspective d’une perte, appelée aversion aux pertes, est évaluée isolément des perspectives de gains. Ainsi, même si la plupart des titres constituant un portefeuille présente une plus-value latente (c’est-à-dire potentielle mais non encore réalisée), l’investisseur aura tendance à être obsédé par les positions qui perdent de l’argent.

L’aversion influence donc de manière variable le comportement des investisseurs.

L’aversion peut engendrer une défiance telle que l’investisseur refuse d’agir.

Autre effet concret de cette aversion, la perspective de pouvoir perdre de l’argent en plaçant son épargne sur des actions incite l’investisseur à opter pour des obligations ou des placements sur des produits dont le rendement est faible, oubliant ainsi les rendements négatifs dus à l’inflation.

Les travaux de Kahneman et Tversky ont mis en évidence une asymétrie des comportements face aux gains et aux pertes.

Ainsi, l’investisseur préfère un gain certain à un gain aléatoire. Lorsqu’il est en situation de gain, il se montrera extrêmement prudent et clôturera rapidement sa position. Il cherchera à rapidement réduire le risque pour concrétiser les gains acquis.

A l’inverse, quand il est confronté à une perte latente, il acceptera plus fréquemment de maintenir des positions risquées ou de les accroitre dans l’espoir de revenir à l’équilibre. Il agit ainsi car il ne parvient pas à assumer ses pertes. La perte aléatoire est privilégiée à une perte certaine.

L’effet de disposition :

Cette dernière tendance correspond à l’effet de disposition. Ce biais a été décrit par H. Shefrin et M. Statman, en 1985 (« The Disposition to Sell Winners Too Early and Ride Losers Too Long: Theory and Evidence », Journal of Finance). L’effet de disposition correspond à la disposition de l’investisseur de détenir en portefeuille les titres perdants plus longtemps que les titres gagnants.

Cette disposition à vendre les titres gagnants peut trouver sa motivation dans une croyance très forte mais irrationnelle au caractère de retour à la moyenne. L’origine peut être également liée à la recherche de fierté et à l’évitement des regrets.

L’attitude qui consiste à conserver plus longtemps les titres perdants a des conséquences défavorables sur les performances. En effet, très souvent, les titres perdants conservés sous performent les titres en gains vendus. L’investisseur effectue alors une gestion sous optimale de son portefeuille.

Locke et Mann (2004) ont montré ainsi que les traders qui ont les meilleures performances sont ceux qui conservent le moins longtemps leurs positions en pertes.

En 1998 Terrence Odéan étudie le comportement de traders particuliers à travers 10 000 comptes boursiers traitant sur les indices américains à travers 97 843 transactions. Pour l’ensemble de la période testée et sur l’ensemble des opérations sur les 10 000 comptes, il observe que les titres vendus gagnants ont superformés le marché de 2.3 % en moyenne l’année suivante tandis que les titres conservés perdants ont sous performés le marché de 1.1 % . En conclusion, si les investisseurs avaient conservés les titres vendus et vendu les titres conservés, ils auraient accru leur performance de 3.4 %

Conclusion

L’aversion au risque peut faire passer à côté de belles opportunités. Avoir constamment à l’esprit ce concept ainsi que les autres biais, apparaît important, à chaque fois que l’on prend ou que l’on est en position sur les marchés.

Pour ma part, la connaissance des principaux biais m’a permis de prendre conscience des irrationalités susceptibles de m’amener à prendre les mauvaises décisions. Cela m’a permis également de mieux connaitre m’a manière d’agir sur les marchés pour analyser les informations et pour prendre mes positions. Cela m’a permis de prendre du recul et de me construire progressivement des critères pour analyser ma façon d’agir et ainsi mieux reconnaitre les situations à risque et mettre en place des stratégies pour lutter contre ces biais qui peuvent me faire perdre sur les marchés.

Je prolongerais cet article par la présentation des biais cognitifs et des biais sociaux qu’il est utile d’avoir présent à l’esprit pour tendre d’agir de la manière la plus rationnelle possible sur les marchés financiers.


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